Le bar aux lumières tamisés était à moitié vide en ce début de soirée. Dans un coin, au pied du mur une jeune femme aux cheveux de feu était songeuse. Elle laissait ses pensées vagabonder en regardant son verre. Après ces quelques jours passés en plus grande partie au temple, ce lieu dans rendez-vous, un bar en sous-sol nommé « les catacombes » semblait incongru. Ceux qui lui avaient donné rendez-vous devaient avoir de drôle de goût… ses souvenirs revenaient petit à petit, et elles commençaient à avoir une idée de leurs visages. L’attentat au Temple, une histoire de pièce d’échec… Tout cela était encore flou pour elle.

En sirotant son verre, elle repensait aux paroles de la prêtresse:

-Voyez comme tout renait à l’approche du printemps. La couche de neige, qui masquait tout sous un blanc uniforme, disparait et laisse apparaitre les détails du paysage, les nuances de couleurs. Si vous aviez l’occasion de renaitre, seriez-vous la même personne? Peut-être que votre amnésie n’est pas infortune, mais plutôt l’occasion de jauger à nouveaux vos choix de vie ? Qu’en pensez-vous ? Vous devriez réfléchir à tout cela. Si cela ne vous tente pas, je ferai comme vous le désirez, et je vous dirais aussitôt votre identité. Mais crois que vous n’êtes pas le genre de personne à apprécier que l’on vous dise qui vous êtes… »

L’amnésique s’était laissé enjôler par le sourire mystérieux de la prêtresse. Elle attendait que ses souvenirs reviennent les uns après les autres, en se tenant éloigné du complexe scientiste, ne sachant pas s’ils s’agissaient d’amis ou d’ennemis mortels…Les prêtres d'Amanda la regardait bizaremment, mais elle avait pû participer avec les fidèles aux préparatifs de la fête du printemps, et échanger avec eux. Peut-être qu’elle en saura plus après cette rencontre.

Lehran avait fini d’interroger le scientiste avec Elizabeth. Ils lui avaient ensuite donné une substance qu'Elizabeth avait trouvée sur une étagère dans une armoire secrète, d’après ses propres dires. D’après elle, cela effacerait les derniers souvenirs de l’homme. Il penserait ainsi avoir rêvé ou fantasmé s’il se souvenait quelque chose en rapport avec l’attentat dans le temple d’Amanda.
Ils avaient réussi à le mettre près sur une caisse de chargement qui allait au complexe scientiste, ainsi l’homme se réveillerait dans un bureau, sur la caisse, dans le complexe scientiste, pensant qu’il avait rêvé, trop fait la fête ou bu. Du moins, ils l’espéraient. Ils s’étaient ensuite quittés pour vaquer à leur occupation jusqu’au jour fatidique où ils devaient se revoir, au fameux bar qu’Elizabeth connaissait et non Lehran.
Il poussa doucement la porte.
L’endroit lui semblait glauque, le décorateur avait, semble t-il, un goût prononcé pour le macabre ou l’hétéroclite.
Les lumières étaient tamisées et peu de monde sirotaient leur verre. Il se demanda s'il devait attendre Elizabeth mais rester sur le pas de la porte n'était guère discret.
Il chercha alors la personne qu'ils avaient rencontré au temple. Il s'approcha du barman, paya une liqueur puis examina les personnes dans la salle afin de trouver la femme. Elle avait l'air totalement perdue dans ses pensées, en train de regarder son verre. Peut-être avait-elle des problèmes personnelles, ou bien peut-être qu'elle était dépitée car elle n'avait rien trouvé concernant la pièce de l'échiquier. Lehran avait réfléchit à cela, peut-être que ce n'était qu'une pièce quelconque qui n'avait rien à voir avec cette histoire d'attentat contre la Déesse (quel affront !). Après tout, elle ressemblait à une pièce d'échiquier normale, peut-être qu'il l'avait trouvé dans la rue ou qu'il l'avait prise de son jeu parce qu'elle portait bonheur ou il ne savait quoi. Parfois, les humains avaient des coutumes et croyances étranges.
Il s'avança vers elle.
Il posa son verre sur la table et sembla la sortir de ses pensées lorsqu'il s'assit en lança :

-Nous nous revoyons enfin. Je pense qu'Elizabeth ne va pas tarder.

Le nouveau venu tira la jeune femme de sa rêverie. Si elle reconnut aussitôt le visage, elle demeurait incapable de donner le nom de cette personne. En revanche, elle nota avec soin le nom de la retardataire.

-Bienvenue. Prenez place je vous en prie. Dès qu’Elizabeth sera là, nous serons au complet, non ? A moins que vous n’aillez trouver d’autres alliés dans vos recherches ? D’ailleurs, votre enquête a-t-elle réussit ?


A peine eut-elle finit de dévisager Lehran et de sortir ces quelques phrases qu’une autre personne arriva à la table, vêtue comme un homme mais s’exprimant d’une voix féminine.

-"- Excusez-moi pour mon retard ".

-Mais vous êtes toute excusée El… Mais peut-être devrait-on éviter de parler trop librement, je vois que vous arrivez incognito. Avez-vous découvert quelque chose de dangereux ? Préférez-vous qu’on aille parler ailleurs ?

Elle attendit la réponse des nouveaux venus, espérant de tout son cœur qu’ils ne découvriraient pas que non seulement elle n’avait aucune information à leur apporter, mais qu’en plus elle était bien incapable d’en récolter dans son état. Elle avait pourtant besoin de s’entretenir avec eux. Rien qu’en les voyants, des souvenirs de l’attentat au temple lui revenait en mémoire. Il fallait vraiment qu'elle passe du temps avec ses deux étranges compagnons. Elle avait la vague impression qu'ils n'étaient pas très poches, mais peut-être savent-ils pourquoi elle était au temple ce jour là...

-Bienvenue. Prenez place je vous en prie. Dès qu’Elizabeth sera là, nous serons au complet, non ? A moins que vous n’aillez trouver d’autres alliés dans vos recherches ? D’ailleurs, votre enquête a-t-elle réussit ?


Lehran hocha la tête. Il réfléchit. Devait-elle tout raconter ? Ou bien devait-il attendre Elizabeth ? Et qu'est-ce que la femme avait trouvé sur la fameuse pièce d'échiquier ? Mais peut-être se faisait-il une idée concernant l'importance de cet objet...
Ce fut à ce moment qu'Elizabeth arriva habillée en hommes, ce qui ne manqua pas de surprendre le moine.
Lehran leva un sourcil lorsqu'il vit les goûts vestimentaire d'Elizabeth mais ne dit rien. Vraiment, les femmes étaient des créatures étranges !
Mais je ne dis pas ça pour vous, Déesse, hein... !

-"- Excusez-moi pour mon retard ".

Il sourit pour lui faire comprendre que ce n'était rien et se retourna vers la jeune femme rousse.

-Mais vous êtes toute excusée El… Mais peut-être devrait-on éviter de parler trop librement, je vois que vous arrivez incognito. Avez-vous découvert quelque chose de dangereux ? Préférez-vous qu’on aille parler ailleurs ?

Lehran se tourna vers Elizabeth et tenta de lui faire comprendre en ouvrant grands les yeux qu'il lui demandait par pensée s'ils devaient tout lui dire concernant le témoignage du scientist ou attendre un moment ou bien... Ou bien il ne savait pas. A vrai dire, il lui laissait le soin de s'en charger, honneur aux dames !
Il se retourna vers la femme rousse dont il avait oublié le nom ou ne s'en souvenait pas si elle le lui avait dit. D'ailleurs, est-ce qu'Elizabeth avait dit son prénom à cette femme ? Il se méfiait assez des gens depuis ce qui lui était arrivé avec Katrina.

-Je pense que l'endroit est très bien ici... On ne risquera pas d'entendre notre conversation, surtout que nous parlons bas, et je pense que peu de personnes importantes et riches viennent boire un verre ici. Et si jamais vous craignez un danger, n'angoissez point ! Je suis l'homme de la situation, je vous sauverai comme je l'ai fait au temple, bien évidemment !

Lehran passa une main dans ses cheveux avec un sourire satisfait. Il était peut-être plus méfiant mais son ego refaisait toujours de lui un garçon naïf, effronté et égocentrique...

Un garde du corps? Le Château? Intéressant: la nouvelle venue n'est pas n'importe qui... Étrange équipe, avec le marqué. Elle ne devait pas être très proche de ces deux personnes vu la méfiance dont ils faisaient preuve

Le ton direct d'Elisabeth sort la jeune femme de ses réflexions et la met brutalement mal à l'aise. Sa bouche devient sèche, et sa gorge se noue. Si elle n'avait rien a leur apprendre, ils risquaient de la laisser tomber. Elle avait espèrer que ce problème ne surgisse pas aussi rapidement. Mais elle s'y était préparée, et comptait bluffer le plus possible. Mais l'attitude des deux compères la fît douter: ils avaient l'air tellement méfiant, accepteraient-ils de parler si elle ne mettait rien Sur la table? mais elle n'avait pas d'autre choix. Elle s'était longuement preparé pour que ça réponse décrive uniquement les faits, afin d'éviter au ma imam toute bévue qui pourrait laisser penser qu'elle ne sait absolument rien!

" j'ai peur de vous décevoir: j'ai été agressé quelques instants après l'attentat au temple d'Amanda. Par chance, des fidèles m'ont recueillie et m'ont ramené au Temple où on m'a soigné. Je ne suis sur pied que depuis hier. Je n'ai donc pas pût enquêter. Croyez bien que j'en suis désolée. J'espère que vous avez dit plus de chance?"

Il ne restait plus qu'a croiser les doigts...

Elizabeth prit la parole. Lehran appréciait le duo hétéroclique qu'il formait, et puis, la jeune fille lui était sympathique -il avait même réussi à la rendre presque croyante, apparemment !-.

"- Si je suis habillé ainsi, c'était juste pour sortir du château tranquillement sans me faire remarqué. D'habitude j'ai toujours un garde du corps avec moi. Cette endroit est parfait, comme l'a dit Lehran c'est le genre d'endroit ou peu de personnes penseraient à venir nous chercher. Surtout tous les trois ensembles. "

Il ne put s'empêcher d'être impressionné. Un garde du corps, vraiment ?
Parfois, il avait du mal à se rappeler qu'ils vivaient dans deux mondes vraiment différents. Elle enchaina :

"- Avant de te dire ce qu'on sait , est ce que de ton côté tu as trouvé des choses susceptibles de nous aider dans notre enquête ? "

Felicia les regarda et déclara alors d'une voix tendue que Lehran prit pour de la honte et peur.

" jJai peur de vous décevoir: j'ai été agressé quelques instants après l'attentat au temple d'Amanda. Par chance, des fidèles m'ont recueillie et m'ont ramené au Temple où on m'a soigné. Je ne suis sur pied que depuis hier. Je n'ai donc pas pût enquêter. Croyez bien que j'en suis désolée. J'espère que vous avez dit plus de chance?"

La naïveté de Lehran reprit le dessus -c'était qu'elle était tenace, parfois !-.
Comment ? Cette pauvre femme sans défense agressée dans la rue ?!
Le souvenir de l'attaque sur son ami et ennemi, Lowel, lui revint alors en mémoire. Que diable ! Personne n'est donc sauf dans les rues d'Andori, que l'on soit noble ou du peuple ?! Les autorités devraient faire leur travail !
Il serra les poings, se mordit les lèvres puis regarda la femme, emporté par un sentiment de colère et d'orgueil.

-Mais quelle chose horrible ! Mais comment peut-on faire une chose pareille ?! Mais peut-être est-ce que la Déesse qui voulait nous imposer une épreuve, interdire à nos esprits jeunes d'en savoir trop pour le moment ! Que faut-il faire ? Veux-tu que nous menions l'enquête sur la pièce avec toi ? Peut-être qu'en la bidouillant ou autre, on peut en apprendre plus !

Soudainement, il changea de posture, semblant abattu.

-Ou alors ce n'est qu'une simple pièce... Et la Déesse -qu'elle soit louée- voulait simplement que je protège son temple et ses partisans d'un fou furieux... Peut-être qu'on se prend la tête pour rien concernant toute cette histoire... que nous souhaitons simplement détruire la morosité et les règles qui régissent nos vies...

-Ou alors ce n'est qu'une simple pièce... Et la Déesse -qu'elle soit louée- voulait simplement que je protège son temple et ses partisans d'un fou furieux... Peut-être qu'on se prend la tête pour rien concernant toute cette histoire... que nous souhaitons simplement détruire la morosité et les règles qui régissent nos vies...

"- En réalité on a pas découvert grand chose non plus de notre côté. On dirait qu'on est face à un mur. Va falloir qu'on face preuve de plus d'intelligence pour savoir à qui appartient cette pièce. "

La tirade de Lehran déstabilisa la jeune femme. peut-être n'avait-elle pas été très claire?
"Mais, cette pièce... je ne l'ai plus. on me l'a dérobée. J'ai bien peur que cette piste soit une impasse"

elle pris une inspiration, tentant de contenir la déception qui la gagnait.

" je vais être très claire. je n'ai aucune piste à suivre. Et vous de votre côté, vous ne savez rien sur cette affaire d'attentat?"

Puis elle reprit, dans un murmure:
"Vous ne savez rien sur moi?"

sa voix se cassa sur le dernier mot. Elle avait la furieuse impression que cette entrevue ne déboucherait sur rien.

Lehran regarda la jeune femme.

" Je vais être très claire. je n'ai aucune piste à suivre. Et vous de votre côté, vous ne savez rien sur cette affaire d'attentat?"

Il réfléchit. L'homme n'avait cessé de l'insulter lorsqu'il avait tenté de le questionner et n'avait rien voulu dire d'autres, du moins, rien qui ne paraissait important à Lehran, sur le moment.

-Je crois qu'il était un simple fou qui souhaitait s'en prendre à des personnes qu'il voulait haïr pour combler le vide de sa vie. Ou alors, il cache vraiment bien son jeu...

Il se mit à réfléchir. Peut-être n'était-ce que cela, après tout... Puis la jeune femme enchaîna avec une autre remarque en se penchant vers eux et en murmurant :

"Vous ne savez rien sur moi?"

Lehran fronça les sourcils. Que voulait-elle dire "rien sur moi" ? Faisait t-elle partie d'une sorte de noblesse supérieure, était-elle une espionne ou quoi que ce soit ? Ou bien...

-Que voulez-vous dire "savoir quelque chose sur vous"... ? Vous... Vous ne savez pas qui vous êtes ?

Lehran eut un rire intérieur. Ne pas savoir qui elle était... Alors qu'ils étaient en train de tenter de déjouer un attentat ou un problème supérieur... Vraiment ?
Il se tourna vers Elizabeth et ils échangèrent un regard.
Si c'était bien un problème de mémoire, ils ne pourraient pas aider la jeune femme. Ils ne savaient rien d'elle, comme de la pièce qui avait été dérobé...

-Quant à la pièce... Peut-être que le scientist était kleptoman et qu'il l'a volé à quelqu'un qui vous a suivi pour la récupérer... Ce devait avoir une valeur sentimentale. Je ne sais pas... ça me paraît gros, qu'une pièce d'échec soit importante, à part pour la symbolique ou raison sentimentale...

Rien…ils ne savaient rien. Et ils parlaient de laisser tomber, de retourner à leur pitoyable existence. Malicia avait passé des jours parmi les blessés de l’attentat, à partager leurs souffrances, à entendre l’agonie des moins chanceux…
Ah ils ont belle allure les serviteurs de la déesse. Le souffle divin les porte et les inspire… La frustration et la colère montant en elle, la jeune femme se concentre sur son verre pour n’en rien laisser paraitre. En fixant son regard sur le liquide ambré pour dompter sa rage, elle a soudain une vision, une réminiscence…

Une pièce aseptisée, baignée d’une lumière froide qui n’a rien de naturel. Une salle de classe, avec une vingtaine d’élève, d’adolescents en blouse blanche. Ils ont piteuse mine et font leur possible pour ne pas croiser son regard. Devant un tableau synthétique, un freluquet transpire à grosses gouttes tout en se creusant les méninges.
Assise juste à côté, elle scrute l’élève muet, attendant une réponse. C’était pourtant la leçon d’hier. Elle les avait prévenus que leur travail personnel était insuffisant, qu’ils devaient réviser avec plus d’assiduité. Mais voilà, elle n’enseignait ni la robotique ni la génétique, alors on considérait ses cours comme secondaires…
« M. Jenkins, c’est vraiment tout ce que vous pouvez nous dire sur le constructivisme et les travaux de Paul Watzlawick ? J’ai peur que cela ne soit insuffisant. Si vous n’arrivez pas à assimiler les connaissances auxquelles vous avez la chance d’avoir accès, peut-être que le complexe vous trouvera une orientation plus adaptée à vos capacités ? Après tout, nombreux sont les enfants d’Hopera qui voudraient être à votre place. Peut-être seriez-vous plus épanouis dans une des usines à la périphérie de la ville ? »
A ces mots, le jeune homme pâlit et déglutit péniblement… Il réussit néanmoins à articuler une réponse, d’une voix fluette :
« Non non, ça ne se reproduira plus docteur Godwin. Je vous le promets ! »

Aussi soudainement qu’elle lui était revenu en mémoire, la scène se dissipe, et Malicia cesse de regarder son verre. Elle jette un regard rapide aux deux inconnus qui lui font face. Elle vide son verre brusquement, tout en réfléchissant à cette vision. Ainsi elle serait vraiment des leurs ? Cela collait avec la carte retrouvée dans ses affaires… Finalement cette rencontre n’aura pas été s inutile. Mais maintenant, que faire avec ses deux héros en herbe ? Voilà un moment qu’ils me regardent, comme s’ils guettaient ma réponse… ils doivent croire que je suis folle. Mais auraient-ils torts ?
La jeune femme recule sa chaise, s’apprêtant à se lever.
« A vous de voir quelle importance vous accordez à cet attentat... Mais peut-être avez-vous mieux à faire ? Auquel cas… Excusez-moi de vous avoir fait perdre votre temps. Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. »
Elle avait parlé d’un ton plus sec qu’elle ne l’aurait voulu. Mais elle regrettait déjà d’avoir dévoilé sa faiblesse à ces deux inconnus, et cela l’irritait au plus haut point.